Indigenes de la République 37

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Ni Putes Ni Soumises et la Brigade Mondaine

jeudi 11 mai 2006, par Christophe

Le 8 mars dernier, les Ni putes Ni soumises célébraient la journée internationale des femmes en inaugurant une maison de la mixité

L’« événement » était prétexte à une émouvante réunion (évidemment citoyenne) où se côtoyaient des représentants de l’ensemble du spectre parlementaire, quelques artistes et bien sûr des chefs d’entreprise pour qui les manifestations consensuelles des démocrates d’élite sont toujours un placement rentable. Dans les discours de remerciements circonstanciels le sponsoring prend généralement le nom de générosité. (On pouvait déplorer l’absence de Sarkozy, mais l’on a été vite rassuré : le parti de la police était bien représenté : à droite par Jean-Louis Debré l’Agamemnon du siège de l’église Saint-Bernard, à gauche par Julien Dray, le pote en chef )

Le caractère mondain de ce rassemblement était si flagrant que les comptes-rendus journalistiques ont unanimement adopté le ton people des magazines sur papier glacé : une narration pour salon de coiffure de l’inauguration d’une boite de nuit à la mode. Tout y était : propos convenus et dégoulinants de bons sentiments, sympathiques photos de groupes œcuméniques etc... L’hétérogénéité d’apparence illustrant ici l’alliance des civilisés républicains et de leurs supplétifs subventionnés (Chirac, Hollande et notre Jeanne d’Arc exotique Fadela Amara) dans le combat contre la barbarie qui, comme chacun sait, domine nos banlieues

Et les discours. Ah ! les discours...Plutôt bâclés quand même ! Elles sont bien gentilles nos NPNS mais il ne faudrait tout de même pas aller jusqu’à trop charger l’agenda d’un conseiller de plume pour la rédaction de l’allocution présidentielle.

Des propos présidentiels décousus, au-delà de « la fermeté sans faille » - ordre du jour aux BACs des quartiers ? - il ressort en fin de compte une volonté d’opposer les femmes d’origine colonialo-banlieusarde à des hommes que l’on pressent radicalement barbus ayant repris le célèbre couteau des mâchoires bolcheviques.

Comment comprendre aussi l’ultime et bizarre phrase du « propos » élyséen ? : « L’histoire de l’humanité montre que les tensions s’apaisent et que la liberté progresse toujours quand les mères, les sœurs et les femmes se mettent à marcher ensemble et à montrer le chemin. Alors, merci pour votre invitation. Merci pour votre accueil et permettez-moi, en terminant tout simplement, de saluer votre maman qui nous a rendu un grand service en vous mettant au monde »

Dans ce registre congratulatoire, remercions donc Fadela Amara et ses copines pour avoir contribué à transformer la journée internationale des femmes en un avatar de Fête des mères relookée républicaine laïque. Qui pouvait deviner que le vrai 8 mars célèbre l’anniversaire d’une célèbre grève d’ouvrières américaines qui luttaient pour « du pain et des roses » ?

Dans son désir de voir émerger de la menaçante banlieue, des bobos riches et propres sur eux, des préfets « musulmans » (ou mieux, des préfetes), bref des gens modernes intégrables auxquels on pardonnerait peut-être leurs faciès et patronymes, l’establishment politique exprime sa vérité. En effet, les supporteurs mondains de NPNS n’ont d’autre projet que d’occulter toute présence politique, toute figure émanant des réalités sociales. Car c’est bien autour des réalités du racisme, du sexisme et de l’exclusion que le seul vrai combat contre la discrimination peut s’organiser.

Et là apparaît la fonction authentique de NPNS : dans le droit fil des tentatives réitérées depuis Nafissa Sid-Cara et le dévoilement de 1958, cette association s’est donné pour mission civilisatrice d’imposer aux femmes d’origine coloniale un modèle d’intégration par le reniement (ce qui rend la mention de la maman de Fadela incongrue).

Et pour tordre le propos de Chirac, c’est quand les mères, les sœurs, les femmes exclues, racisées, méprisées, sans papiers se mettent à marcher que la liberté progresse. C’est aussi quand elles se battent pour la justice dans les quartiers et ailleurs, contre la précarité, les marginalisations systématiques et les contrôles policiers au faciès.

Au bout du compte, petits-fours ou non, nous sommes nombreux-es à préférer la journée internationale des femmes de Clara Zetkin ou de Rosa Luxembourg aux mondanités d’une association à la dénomination consternante et ...sexiste.

Lalla Fatma M’semer - Une Indigène de la république

N.B. Nous ne saurons trop recommander aux lecteurs et lectrices de ce billet d’humeur, le dernier et excellent numéro de la revue NQF (Nouvelles Questions Féministes) « Sexisme et racisme : le cas français », paru aux éditions Antipodes. Celui-ci fait le point sur l’imbrication des différentes dominations (raciales, sexistes et sociales) que subissent les femmes issues de l’immigration et fait la démonstration de l’impossible émancipation de cette catégorie de femmes si cette triple domination n’est pas prise en compte dans les luttes féministes.


Hep ! La photo a été emprunté sur le site de NPNS dont nous n’arrivons pas à nous souvenir du lien. Rien d’étonnant à celà. La rédaction du site


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