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L’immigration selon Sarkosy

jeudi 8 décembre 2005, par Hafiline

Par Jacqueline Hafidi, Indigène de la République d’Indre-et-Loire Dessin Caro et Phil

La lettre de Sarkozy aux préfets (1) concernant la lutte contre l’immigration irrégulière me fait froid dans tout le corps. Je serais préfet que je serais tentée illico de me mettre en situation irrégulière et de contourner les injonctions du ministre pour trouver des solutions aux épouvantables drames humains qui résultent de leur application.

Deux sont venus à ma connaissance : deux adolescents se cachent afin de ne pas être réunis à leur mère en détention administrative et être expulsés dans l’instant ; deux autres, 3 et 7 ans sont séparés de leur mère arrêtée alors qu’elle apportait son passeport à son mari lui aussi en détention, et remis à la personne venue les accompagner, leur cas étant « hors dossier ».

Les directives du ministre de l’Intérieur sont claires, tranchantes au sens littéral (voir plus haut comment on peut, sans état d’âme apparemment, trancher dans le vif des familles). Qu’y lisons-nous ? : Atteindre des « objectifs chiffrés », « résultats inférieurs à la moyenne », « obligation de résultats », « nouveaux instruments de gestion des centres », « réussir, dans des conditions humaines ( !) un éloignement effectif » ; « crédits importants » « dossiers bien préparés », « accentuer l’effort « .......

Avec, reconnaissons le, une possibilité de « régularisation à titre exceptionnel, lorsque des préoccupations toutes particulières ( ???) y invitent ... »

Qu’est-ce qui ressort à la lecture de ce document d’une sécheresse voulue par un ministre en proie aux exigences de l’efficacité ? Le ton direct, péremptoire incite à l’obéissance active, à cette servitude volontaire dénoncée, il n’y a guère par l’ami de Montaigne, ce La Boétie dont le discours n’est pas assez fameux. Et surtout, , la deshumanisation des propos qui concernent des êtres en suspens, victimes une seconde fois, hors de leur pays, de la précarisation en passe de se mondialiser à tous les stades de cette croissance qu’on nous présente comme la panacée.

Mais le plus grave me paraît être la deshumanisation insidieuse des « élites » capables de tels propos, et qui se trouvent prisonniers des bulles protectrices contre le réel qu’ils ont eux-mêmes fabriquées. Le ministre est-il venu voir ce qui se passe au sein des collectifs ou coordinations « qui ne représentent qu’eux-mêmes » ose-t-il dire dans sa lettre ?

Le langage du ministre me paraît épouvantablement ambigü. Rappelons celui du régime nazi celui des directives concernant la déportation - il s’agissait de « transports, d’unités, de convois » - et qui avaient pour but d’occulter une réalité insoutenable, sauf pour des dirigeants et des exécutants programmés pour l’édulcorer.

(1) Extraits de la Lettre de Sarkozy aux prefets de septembre 2005 (ci-dessous)


"La lutte contre l’immigration irrégulière doit constituer le deuxième axe majeur de votre action.

Lors de notre dernière rencontre, je vous ai fixé des objectifs chiffrés, en vous demandant de procéder, au minimum, à 23 000 éloignements d’étrangers en situation irrégulière cette année. Je constate qu’à la fin du mois d’août, 12 849 étrangers avaient fait l’objet d’une mesure effective d’éloignement : sur huit mois, 56 % des objectifs ont été atteints. Il vous reste donc cinq mois pour accentuer l’effort. J’observe d’ailleurs que, d’une préfecture à l’autre, les résultats sont inégaux.

Or, j’attends de tous une entière mobilisation. Et j’invite les préfets dont les résultats sont inférieurs à la moyenne à se rapprocher du Centre national de l’animation et des ressources (CNAR) pour bénéficier d’un appui opérationnel. Le CNAR d’ailleurs ne sera plus seulement un organisme d’appui aux préfets. Il va devenir un centre d’impulsion, d’animation. Il sera mon relais pour orienter vos objectifs.

Plus encore qu’une obligation de moyens, c’est une obligation de résultats qui vous est fixée. Votre implication personnelle, aux côtés des agents des bureaux des étrangers, des policiers et des gendarmes, est une nécessité. Il est de votre responsabilité de mobiliser vos collaborateurs.

Le décret portant création de la police de l’immigration est en cours de finalisation. Il permettra de mieux coordonner l’action des forces de sécurité et de vous apporter une aide supplémentaire. A partir de 2006, de nouveaux outils statistiques vous garantiront un suivi plus précis des mesures d’éloignement.

Il vous faut aussi ne pas hésiter à utiliser toutes les marges de manouvre autorisées par la loi. Elles sont réelles. Vous devez ainsi faire usage des pouvoirs que vous donne le code de l’entrée et du séjour des étrangers, quelles que soient les sollicitations locales. Je vous demande de savoir résister aux pressions de tels ou tels "collectifs" ou "coordinations", qui ne représentent qu’eux-mêmes.

Il vous appartient également de combattre certaines idées reçues. Je rappelle, en particulier, que les ressortissants roumains ou bulgares en situation irrégulière ne bénéficient d’aucune protection juridique particulière contre l’éloignement : le fait que la Roumanie et la Bulgarie soient candidates à l’adhésion à l’Union européenne n’y change rien. Je rappelle, de même, que la Cour européenne des droits de l’homme n’a jamais reconnu un quelconque droit de chacun à mener sa vie familiale où bon lui semble ! La jurisprudence est plus nuancée et en cas de contentieux devant le juge administratif ou le juge des libertés et de la détention, vous devez pouvoir défendre efficacement des dossiers bien préparés, si nécessaire en recourant au service d’avocats.

Les mesures décidées lors du comité interministériel de contrôle de l’immigration, que j’ai présidé le 27 juillet, vont renforcer notre capacité à atteindre nos objectifs.

Je ne sous-estime pas, en particulier, vos préoccupations concernant l’accueil des demandeurs d’asile. Aussi, j’ai décidé que le dispositif d’accueil serait piloté par les préfets de région, qui pourront proposer à tout demandeur un hébergement dans un département autre que celui où il aura déposé sa demande. Il importe de savoir où résident les demandeurs d’asile et le versement des allocations dépendra du respect du lieu de vie désigné. De nouveaux instruments de gestion des centres seront mis à votre disposition et 2 000 places nouvelles seront créées l’an prochain. Le régime de l’allocation d’insertion sera aussi modifié, par la loi, pour vous permettre de refuser son bénéfice aux demandeurs qui auront décliné votre proposition d’hébergement. J’ajoute que, évidemment, les déboutés du droit d’asile n’ont aucun droit à être hébergés dans les centres d’accueil des demandeurs d’asile. Leur vocation est de quitter le territoire.

A cet égard, je sais que l’efficacité accrue de l’OFPRA et de la Commission des recours a pour effet d’augmenter le nombre des déboutés du droit d’asile et de leurs familles, qui pourrait atteindre plusieurs dizaines de milliers dans les mois à venir. Là encore, je ne peux que vous inviter à la stricte application de la loi : les déboutés n’ont pas droit au séjour, sauf exception. Les régularisations en dehors des conditions d’attribution de titres de séjour prévues par la loi ne sont possibles qu’à titre exceptionnel, au cas par cas, lorsque des préoccupations humanitaires toutes particulières y invitent et qu’il paraît totalement impossible de réussir, dans des conditions humaines, un éloignement effectif. J’ajoute que la réforme de l’aide au retour volontaire, qui sera mise en oeuvre dès cette année dans 21 départements, est notamment destinée à faciliter le retour de familles déboutées du droit d’asile.

Pour faciliter les éloignements, j’ai également décidé d’accélérer encore le programme de rétention administrative. Dans les prochains mois, des places de rétention supplémentaires seront ouvertes à Plaisir, Palaiseau, Nanterre, Rouen-Oissel, Marseille, Toulouse, Paris-Vincennes, Metz, Rennes, Lille, Coquelles, Garchy. Le nombre total de places, qui était de moins de 1000 en juin 2002, atteindra 1800 en juin 2006. Des crédits importants sont affectés à cet effort.

La mobilisation contre l’immigration irrégulière passe aussi par une coopération active avec le réseau diplomatique, comme l’a montrée la première conférence préfectorale et consulaire que j’ai présidée à Marseille en juillet. La mise en oeuvre des visas biométriques, en cours dans 5 consulats, sera étendue à une trentaine d’autres d’ici la fin de 2006, puis gén��ralisée en 2007. Un contrôle réel sera exercé sur le retour dans leur pays d’origine des bénéficiaires de visas de court séjour, dans dix consulats très sensibles. Des formations communes aux personnels consulaires et de préfectures seront organisées dès le mois d’octobre et un réseau protégé de transmission d’informations sera créé.

Parallèlement et à ma demande, le ministère des affaires étrangères a engagé la procédure permettant de sanctionner les pays non coopératifs en matière de délivrance de laissez-passer, en limitant le nombre de visas de court séjour que la France délivre à leurs ressortissants. Une dizaine de pays que vous avez identifiés sont concernés, parmi lesquels je citerai aujourd’hui la Serbie-Monténégro, la Guinée, le Soudan, le Cameroun, le Pakistan, la Géorgie, la Biélorussie et l’Egypte.

Je vous demande, en outre, de mener dans chacun de vos départements, d’ici la fin de l’année, une opération exemplaire de lutte contre le travail illégal et les filières d’exploitation d’étrangers en situation irrégulière. Vous vous appuierez sur l’office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre. Vous me rendrez compte des résultats produits par ces opérations de contrôle.

L’action contre les "marchands de sommeil" relève de la même urgence, comme l’a démontré l’actualité tragique des dernières semaines. Il n’est pas question de rester inactif face à de tels enjeux. Je demande à chacun d’entre vous de recenser les immeubles insalubres et les squats. Vous devez, lorsque la sécurité des personnes l’exige, procéder aux expulsions qui s’imposent, en les accompagnant, dans toute la mesure du possible, par des solutions de relogement que vous négocierez avec les partenaires locaux, en utilisant s’il le faut le contingent préfectoral. Je vous demande aussi d’être attentifs aux situations de séjour irrégulier que les marchands de sommeil protègent".


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